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Du logement indigne au logement Diogène : quelles frontières ?

La question du mal-logement en France suscite depuis plusieurs années une attention croissante des pouvoirs publics, des professionnels du social, des collectivités locales mais aussi des citoyens. Au cœur de ce mal-logement, deux réalités se croisent souvent sans être totalement identiques : le logement indigne et le logement Diogène. Leur confusion est fréquente, et pourtant, ces deux situations ne relèvent pas des mêmes causes, ni des mêmes approches d’intervention.

Dans cet article, nous allons explorer en profondeur ces deux concepts, comprendre ce qui les distingue, où ils se rejoignent, quelles en sont les causes, les impacts humains et sociaux, et surtout comment les reconnaître et y répondre.


Comprendre ce qu’est un logement indigne : une définition juridique et sociale

Le terme « logement indigne » est défini officiellement par le Code de la construction et de l’habitation (article L.1331-22 du Code de la santé publique). Il s'agit d’un logement dont l’état ou les conditions d’occupation présentent un danger pour la santé ou la sécurité de ses occupants ou du voisinage.

On parle ici de :

  • Logements insalubres ou infestés (cafards, punaises, rats)

  • Logements sans eau courante, sans chauffage ou sans électricité

  • Humidité excessive, moisissures, fuites d’eau

  • Installations électriques ou gaz dangereuses

  • Absence de ventilation, mauvaise évacuation des eaux usées

  • Sur-occupation des lieux ou squats

  • Structures menaçant de s’effondrer

L’Agence nationale de l’habitat (ANAH) estime que plus de 600 000 logements sont considérés comme potentiellement indignes en France, dont près de 100 000 dans les Bouches-du-Rhône (source : rapport ANIL, 2023).

Dans ce cadre, le logement indigne est souvent le fruit d’une défaillance structurelle : vétusté, manque d’entretien, négligence du propriétaire, bailleurs indélicats (phénomène dit des « marchands de sommeil »), ou abandon.


Définir le syndrome de Diogène : une pathologie invisible, aux conséquences très visibles

À l’inverse, un logement Diogène n’est pas d’abord le symptôme d’un bâti dégradé, mais d’un trouble du comportement chez l’occupant. Le syndrome de Diogène est un terme médicalement reconnu pour désigner un trouble psychocomportemental caractérisé par un déni de l’hygiène personnelle, un repli social extrême, une accumulation compulsive d’objets et une négligence de l’environnement de vie.

Les caractéristiques d’un logement Diogène incluent :

  • Entassement massif d’objets sans hiérarchie

  • Refus d’accès aux professionnels ou à la famille

  • Odeurs nauséabondes persistantes

  • Déchets organiques, aliments périmés non évacués

  • Présence de moisissures, prolifération bactérienne

  • Animaux non entretenus en surnombre

Contrairement au logement indigne, le logement Diogène est un symptôme, pas une cause. Il est la conséquence directe d’un trouble mental, souvent lié à des pathologies comme la dépression chronique, la schizophrénie, les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) ou les troubles cognitifs liés à l’âge (Alzheimer, démence).

D’après les études hospitalières, jusqu’à 30 % des personnes âgées dépendantes peuvent présenter des comportements assimilés au Diogène, à des degrés divers (source : étude Gérontologie CHU Montpellier, 2022).


Les frontières : là où se croisent pathologies, précarité et habitat

On comprend alors que les deux réalités, si différentes sur le plan de leur origine, peuvent parfois produire des effets similaires. Un logement Diogène peut, à terme, devenir un logement indigne, si l’accumulation et la dégradation progressent sans intervention.

Inversement, certaines situations de logement indigne peuvent entraîner une perte de repères psychiques chez les occupants, qui développent des comportements de retrait ou d’isolement comparables à ceux observés dans le syndrome de Diogène.

Mais la différence fondamentale reste celle-ci :

Le diagnostic est donc fondamental, car il détermine le type d’intervention approprié : action administrative et coercitive dans le cas de l’indignité, accompagnement médico-social dans le cas du Diogène.


Impact sur la santé et le lien social

Les deux situations ont en commun d’exposer les occupants à des risques graves pour la santé : infections, intoxications, accidents domestiques, chutes, troubles respiratoires, sans parler des impacts psychologiques comme la honte, la peur, l’isolement.

Selon l’INSEE, près de 10 % des ménages français vivent dans des logements jugés trop exigus, mal isolés ou présentant des risques pour la santé (source : Enquête logement 2020).

Dans les cas de syndrome de Diogène, les troubles psychiatriques sont aggravés par la rupture du lien social, la stigmatisation du voisinage, voire les signalements aux autorités. Il n’est pas rare que des locataires soient expulsés sans accompagnement, aggravant leur situation.


Le rôle de la famille, des voisins et des professionnels

Dans ces situations extrêmes, le premier signal d’alerte vient souvent de l’extérieur : voisins, famille, services sociaux, pompiers, police municipale. L’odeur, le bruit, ou l’absence de réponses prolongées aux sollicitations conduisent à alerter.

Dans le cas du Diogène, le refus d’aide est fréquent. L’occupant ne perçoit pas la gravité de la situation, ou la nie totalement. C’est pourquoi l’intervention conjointe de professionnels du soin, du social et de l’environnement est indispensable.

Dans les logements indignes, l’intervention peut venir du service communal d’hygiène et de santé (SCHS), de la DDT(M), ou sur ordonnance du maire ou du préfet. Des procédures comme la mise en demeure, la réquisition, voire la démolition, peuvent être engagées.


Les réponses juridiques et sociales

Pour le logement indigne

Le logement indigne fait l’objet de procédures encadrées par la loi, avec des dispositifs mobilisables par les collectivités :

Des aides à la rénovation peuvent être proposées via l’ANAH, mais sous condition que le propriétaire respecte ses obligations.

Pour le syndrome de Diogène

Il n’existe pas de cadre juridique spécifique, car il s’agit d’un problème sanitaire personnel. Mais plusieurs leviers peuvent être mobilisés :


Les étapes de l’intervention : urgence, nettoyage, accompagnement

Un point fondamental différencie aussi les deux : l’objectif de l’intervention.

La remise en état d’un logement Diogène ne peut être que l’aboutissement d’un processus complexe :

  1. Évaluation psychologique de la personne

  2. Concertation avec les services de santé, d’hygiène, sociaux

  3. Mise en sécurité (électricité, évacuation déchets)

  4. Nettoyage extrême encadré et méthodique

  5. Suivi médico-social dans le temps


Le rôle des collectivités et de la société civile

À Marseille, comme dans beaucoup de grandes villes françaises, la lutte contre le mal-logement s’intensifie. Les drames survenus dans des immeubles effondrés ont souligné l’urgence à traiter la question de l’indignité, mais aussi celle de l’isolement des personnes en souffrance psychique.

Des plans de lutte contre l’habitat indigne (PLHI) ont été mis en œuvre, avec des cellules dédiées, mais la prévention du syndrome de Diogène reste encore peu structurée, malgré son impact croissant.

Les associations, les intervenants à domicile, les infirmiers, les kinés, les postiers, les pompiers jouent un rôle crucial pour repérer les situations invisibles.


Mieux comprendre pour mieux agir

La frontière entre logement indigne et logement Diogène n’est pas toujours nette. Mais comprendre leur nature distincte est essentiel pour intervenir efficacement.

Dans les deux cas, il s’agit de restaurer la dignité humaine, et de garantir le droit à un logement décent, tel que reconnu par l’article 1er de la loi DALO (2007) et la Constitution française via le préambule de 1946.

Informons, formons, repérons, intervenons. La dignité des plus fragiles en dépend.


Sources : INSEE, ANAH, Code de la santé publique, Code de la construction et de l’habitation, Rapport Observatoire National du Mal-Logement 2023, Études du CHU de Montpellier (gérontologie), textes législatifs DALO, rapports sénatoriaux sur l'habitat indigne (2022).

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